Litho Cuisine : La Lithographie Faite Maison

Litho Cuisine : La Lithographie Faite Maison

Eugenia Luchetta Publié le 6/14/2024

Le système d’impression le plus répandu à ce jour pour les grands tirages est l’impression offset. L’impression offset, bien que beaucoup plus sophistiquée et mécanisée, repose sur le même principe que la lithographie, une technique inventée en 1790 par Alois Senefelder, selon laquelle l’eau et la graisse se repoussent mutuellement.

La lithographie utilise du calcaire poreux, l’impression offset des plaques d’aluminium ; la lithographie “écrit” la matrice avec un crayon gras et l’immerge ensuite dans un liquide pour l’acidifier dans toutes les parties non écrites, l’impression offset utilise en revanche un laser qui rend directement les zones d’impression hydrophobes ; dans les deux techniques, les matrices sont voilées d’eau, qui ne se dépose que dans les zones non imprimées, puis recouvertes d’encre, qui au contraire ne se dépose que là où il n’y a pas d’eau. Les deux techniques reposent sur le phénomène de répulsion chimique/physique entre l’eau et l’encre.

Alors que l’impression offset ne peut être pratiquée qu’avec des machines professionnelles, la lithographie peut être recréée plus facilement, mais présente toujours deux problèmes qui la rendent peu pratique et inaccessible : la difficulté de trouver et de transporter la pierre et la dangerosité des acides utilisés dans le processus.

Pour permettre aux débutants et aux enfants d’expérimenter quand même le principe de base de la lithographie, l’artiste Émilie Aizier a imaginé en 2011 une méthode alternative très peu coûteuse et sans danger, en utilisant des matériaux et des substances que l’on trouve dans de nombreuses cuisines : papier aluminium, cola, huile végétale et bien d’autres choses encore. D’où le nom de Kitchen Litho.

L’équipement

  • Une petite feuille de verre ou de plexiglas (par exemple, le verre d’un cadre photo), qui servira de matrice.
  • De l’encre d’imprimerie à base d’huile (par exemple, de l’encre pour taille-douce)
  • Un rouleau encreur
  • du ruban adhésif
  • Du matériel de dessin, un crayon gras (par exemple 8B), du graphite, des pastels à l’huile, du papier carbone, du beurre, du savon de Marseille…
  • Une feuille d’aluminium
  • Une bassine
  • Du cola
  • Huile de graines
  • Eponges et chiffons
  • Feuilles à imprimer
  • Facultatif : gants en latex

1.enduction de la plaque de verre

La première étape du processus consiste à recouvrir la plaque de verre ou de plexiglas d’une feuille d’aluminium, en la fixant avec du ruban adhésif et en veillant à ce qu’il ne reste pas de trous par lesquels le cola pourrait passer. La feuille d’aluminium doit être placée avec la face opaque à l’extérieur.

Lors de cette opération, il est très important de ne pas toucher avec les doigts la face qui servira à l’impression. La graisse des doigts pourrait laisser une empreinte qui serait ensuite visible dans les tirages.

2.Dessiner sur la plaque

La plaque est maintenant prête à être imprimée. La matrice à imprimer est dessinée directement sur l’aluminium et n’importe quel matériau gras fera l’affaire. Dans un premier temps, il est utile de tester différents matériaux : les crayons gras et le graphite sont certainement une bonne option, mais les pastels à l’huile ou même le savon de Marseille ou le beurre, à l’aide d’un petit pinceau, valent également la peine d’être essayés. Toute autre matière grasse que vous avez sous la main peut s’avérer utile.

Comme à l’étape précédente, veillez à ne pas toucher la plaque avec vos doigts lorsque vous dessinez. Il peut être utile de porter des gants en latex.

3.Acidifier la plaque

Une fois le dessin terminé, la plaque doit être placée dans une bassine ou un bac, où l’on verse du cola. Il est utile de faire tourner la plaque et de verser le cola dans toutes les directions afin que toutes les zones non imprimantes soient acidifiées.

Aux endroits où il y a de la graisse, on peut voir que le cola n’adhère pas, mais crée des bulles.

4.nettoyage de la plaque

Il suffit de laisser la plaque sous le cola pendant quelques secondes, puis de l’essuyer avec une éponge humide pour enlever les résidus de liquide. Ensuite, à l’aide d’un chiffon imbibé d’huile végétale, essuyez délicatement la plaque pour la débarrasser des restes de graphite ou d’autres matières grasses qui obstrueraient l’encre.

À ce stade, l’image décolorée doit rester visible sur l’aluminium.

5.l’encrage

L’étape suivante consiste à préparer l’encre. La couleur adaptée à ce type de procédé est très grasse et dense, comme la taille-douce, et doit donc être étalée sur une plaque et passée au rouleau dans différentes directions pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’elle soit lisse et homogène.

L’acide phosphorique et la gomme arabique contenus dans le cola rendent hydrophiles les zones de la plaque qui n’ont pas été dessinées. Une fois la plaque mouillée, l’eau se dépose donc sur ces zones, mais est repoussée par les zones dessinées, où l’encre grasse se dépose à la place.

Avant l’encrage, on passe une éponge ou un chiffon mouillé (mais non ruisselant) sur la plaque, et ensuite seulement l’encre est passée avec le rouleau. Il ne faut pas s’inquiéter si, surtout au premier passage, l’encre se dépose aussi dans les zones non sensibilisées, il suffit d’utiliser à nouveau le chiffon mouillé et de le passer très doucement sur le dessin : l’éponge n’enlèvera l’encre que dans les zones non dessinées.

Si, à un moment donné, trop d’encre sèche se concentre sur la plaque, un essuyage avec un peu d’huile végétale permet d’éliminer les résidus.

6.Impression

Idéalement, à ce stade, vous devriez disposer d’une presse à imprimer (dans ce cas, la plaque doit être en plastique), mais ce n’est pas indispensable. De bons résultats peuvent être obtenus simplement en plaçant la feuille sur la plaque et en pressant, éventuellement à l’aide d’une cuillère ou d’une manique. Pour éviter d’abîmer le papier en le frottant, une feuille de papier sulfurisé peut être placée sur le papier d’impression.

La feuille produira environ dix tirages avant de commencer à perdre en qualité.
La qualité des impressions est certes informelle : le trait n’est pas net et précis et il arrive que la couleur se dépose là où elle ne devrait pas, mais le résultat est très spontané et difficilement reproductible avec d’autres techniques. Si l’on tient compte du style des impressions, on peut imaginer un dessin matriciel qui n’est pas trop raffiné et détaillé, mais qui bénéficie plutôt d’un trait quelque peu “sale”.

Amusez-vous bien et bonne “cuisine lito” à tous !